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Dimanche 22 Mai 2005
Dernier jour du festival. Réveil difficile. 8h45, nous montons les marches pour la séance de la palme d'or du consensus telle une horde de zombies. La salle Louis Lumière est à moitiée pleine, ou à moitiée vide (c'est selon). Du coup on est assis en bas, dans l'orchestre.
"L'Enfant" de Jean-Pierre et Luc Dardenne [CO, Louis Lumière, Palme d'or]
L'avis de Nono :
Difficile de contester cette palme d'or tant le film des Dardenne compile les
caractéristiques du "film de festival". Existe-t-il une type de film dont le
but serait de plaire aux festivaliers et de flatter le jury ? Si
la réponse est oui, alors L'Enfant est le prototype le plus abouti d'un genre à part.
Un scénario qui déroule son lot de misère et de situations poignantes, le portrait d'un monde
en déliquescence où l'espoir a foutu le camp, des cadrages au plus près des acteurs. Voilà à peu
près les grands traits de L'Enfant qui séduit par la forme simple
et sincère autant qu'il prend aux tripes pour son message universel.
Les frères Dardenne ont réalisé un très bon film, qui recevra, je l'espère, un succés publique
conséquent. Mais cette palme a un arrière goût de convenu, comme si les membres du jury
et son président n'avait pas voulu prendre de risque. De quoi fournir des arguments aux
critiques acerbes du festival.
A 10h30, le petit groupe se scinde en deux. Pour certains, ce sera l'occasion de remonter le tapis rouge du palais pour voir le Broken Flowers de Jim Jarmusch. Pour d'autres, ce sera History of Violence de David Cronenberg.
"Broken Flowers" de Jim Jarmusch [CO, Louis Lumière]
L'avis de Anne :
Une lettre anonyme écrite en rose sur du papier rose arrive un jour chez un quinca mysanthrope (mais tombeur) pour lui annoncer qu'il est papa d'un môme de 20 ans. Voilà donc le bonhomme partit à la recherche du fiston, et donc des femmes avec lesquelles il a eu des liaisons 20 ans auparavant. Une ville américaine, un bouquet, une femme, une déception, le film se découpe en chapitres centrés autour de chacune des retrouvailles. Une ambiance comico-nostalgique au milieu de laquelle passe un Bill Murray très proche de celui déjà vu dans Lost in Transaltion : un observateur d'un monde qui balance entre solitude et loufoquerie.
"Broken Flowers" de Jim Jarmusch [CO, Louis Lumière]
L'avis de Marylène :
Jim Jarmusch avec son air d'éternel jeune homme rebelle à la cinquantaine est un cinéaste unique
et indispensable pour qui le voyage est aussi et surtout intérieur.
Après Ghost Dog, Dead Man ou Mystery Train cet artiste complet aussi bien réalisateur, producteur
et compositeur de musique, fait aussi l'acteur parfois.
Pour ce film qu'il a réalisé, scénarisé et produit, il a reçu le Grand prix du festival.
Resté fidèle à son style, à sa famille (de techniciens, d'acteurs, d'amis) et à sa démarche
de travail c'est l'humanité qu'il sonde à travers des personnages exceptionnellement attachants.
Le personnage central de Broken Flowers, Don Johnston, incarné par Bill Murray, est un séducteur
vieillissant, voyageur malgré lui s'aventurant sur un chemin plein d'embûches et de surprises.
Célibataire endurci ayant une fortune gagnée dans l'informatique lui permettant d'être oisif, Don
Johnston vient d'être quitté par sa dernière conquête, Sherry (Julie Delpy). Il se
résigne une fois de plus à vivre seul, en Don Juan fatigué indifferent sur son canapé, placide presque absent.
L'arrivée d'une mystérieuse lettre anonyme rose, lui annonce l'existence d'un fils né d'une
relation vieille de vingt ans qui serait à sa recherche, pour le retrouver, il implique de lui
adjoindre une génitrice et le Don Juan se résigne à prendre la route, afin de questionner ses
ex-maîtresses liées aux passades vécues alors. Il va ainsi rendre visite à ses anciennes conquêtes
un bouquet de fleurs à la main.
Winston (Jeffrey Wright), le voisin et ami de Don, modèle de papa et de mari épanoui, c'est
celui qui le lancera dans cette quête folle, il est un personnage très attachant, aussi détective
amateur, il le pousse à rechercher et à recoller les morceaux avec ses ex-compagnes.
Il va croiser ainsi un une inattendue (Sharon Stone) vraiment très bien pour ses 10 minutes
de présence, dont la fille adolescente se dévêt sans sommation.
Une bourgeoise fragilisée et rangée vivant dans un conformisme asetptisé (Frances Conroy).
Une psychologue animalière plutôt méprisante pour le sexe masculin (Jessica Lange).
La redoutable Penny entourée de bikers (Tika Swinton) et une ultime vieille connaissance
dont on taira la situation. Don n'a pas fait le voyage pour rien ! Chacune illustre une
figure extrême de la population américaine et composent le portrait paradoxal du pays,
riche de contradictions et d'excès, en manque certain d'équilibre.
Plus que la nécessité de retrouver un sens ou un objet à sa quête, il apparaît
surtout que c'est le moment pour Don de faire une tentative, mythe d'un second
départ à qui Jim Jarmusch a donné les traits de Bill Murray, quinquagénaire
grisonnant qui a bénéficié d'une seconde chance avec le film Lost in Tranlation
et ainsi sa carrière a eu un sursaut inespéré.
Ce road-movie à contresens de Don à la recherche d'indices afin de découvrir qui est
la mère de ce fils, si son existence est bien réelle. Avec lui nous cherchons des
indices chez ses ex-compagnes comme une enquête mêlée au rêve que fait Don.
Le réalisateur maîtrise à sa façon bien particulière étonnante avec des images
très travaillées souvent feutrées, quelques scènes paraissent dérisoires et souvent
l'humour surgit ou on ne l'attend pas. La direction d'acteur est un point fort
de ce film, Bill Murray joue ce personnage muré dans son appartement au jeu minimalisme
au premier abord, mais quel talent pour nous faire voir et ressentir son parcours avec
si peu de gestes et des mimiques si sobres. Cette mélancolie sur son visage et ce
mystère qui se dégage, le comédien maîtrise la moindre de ses expressions, surtout
qu'il apparaît dans toutes les scènes du film, enfin une magnifique performance d'acteur.
Il faut dire aussi que la musique (Mulatu Astatke avec beaucoup d'additionnels variés)
comme toujours dans les films de Jarmusch tient une place primordiale, la bande son
et une de celle dont on se souvient après le mot fin.
Allez voir ce film de ce voyageur malgré lui qui s'aventure sur un chemin plein
de surprises et d'embûches pour cet anti-héros. Boken Flowers oscille entre le film
à sketches et le road movie mélancolique souvent mais plutôt drôle et doux-amer.
Le film est dédié à Jean Eustache réalisateur et fils spirituel de la Nouvelle Vague
auteur du célèbre film Maman et la putain avec Bernadette Lafond et Jean Pierre Léaud.
Jim Jarmusch et Jean Eustache on en commun cet esprit très indépendant en dehors
des sentiers battus.
"A History of Violence" de David Cronenberg [CO, Debussy]
L'avis de Nono :
On ne peut pas classer A History of Violence comme un film typiquement "Cronenberguien".
Si les thèmes abordés (l'usurpation d'identité et les aléas de la mémoire ) sont à rapprocher de
Spider ou Dead Zone, le traitement est classique, dans les
standards de la production Holywoodienne actuelle.
Aragorn, euh, pardon, Viggo Mortensen interpréte un père de famille
modèle qui est poursuivit soudainement par un gang de la mafia. Il a beau clamer son innocence, on a toujours un
doute sur sa véritable identité. Et les acteurs, tous impeccables, s'enfoncent dans les méandres du mensonge.
Et nous, spectateurs de cette famille qui se décompose, on se demande qui est qui.
Le suspense est bien mené jusqu'à ce que l'énigme soit dévoilée (un peu tôt dans
le film à mon goût). Le film perd alors en intensité dramatique mais gagne en coups de poings dans la gueule.
A History of Violence reste tout de même un bon divertissement.
Dernière séance avant de prendre le train ("C'était la dernière séance/Le rideau sur l'écran est tombé."). 16h00, Manderlay de Lars Von Trier.
"Manderlay" de Lars Von Trier [CO, Louis Lumière]
L'avis de Nono :
Que fait l'Amérique ? Elle brûle ! Ce n'est pas moi qui le dit, mais Lars Von Trier, le poil à gratter venu du froid.
De retour sur la croisette avec son Dogme passé de mode et ses
idées dévastatrices sur le modèle américain, il balance sa bobine comme d'autres
des grenades dégoupillées. Son nouveau brulôt traite cette fois-ci de l'esclavagisme.
L'histoire commence là où s'arrêtait celle de Dogville, c'est
à dire lorsque Grace (Bryce Dallas Howard) fuit la ville de Dogville
dévastée à sa demande et prend possession d'une exploitation agricole où l'esclavage des
noirs n'a jamais été abolli.
La fille de Ron Howard applique à l'identique le rôle de
Nicole Kidman dans Dogville. La contruction est semblable au
film précédent avec une héroine principale qui pense faire le bien alors qu'elle engendre le mal et le chaos.
Le principe de tournage est lui aussi le même : un plateau de théatre et quelques accessoires,
les décors sont tracés à la craie blanche sur le sol. En bref, on dirait un copier/coller
de Dogville. A part ça, rien de nouveau sous le soleil Danois.
On ressort de la séance aussi circonspect que pour Dogville,
l'effet de surprise en moins.
On peut parier que son troisième opus sera sélectionné au festival de Cannes 2007,
et qu'il sera projeté dans l'indifférence générale.
Et voilà, cette édition 2005 du festival se termine. La compétition officielle s'appauvrit peut-être d'une année a l'autre, mais au profit des autres sélections qui prennent plus de risques.
Samedi 21 Mai 2005
Depuis 3 ans et l'instauration de la remise de la palme le samedi soir, cette
journée est devenu extrêmement délicate à gérer pour le cinéphile. La salle Lumière est
fermée tout la journée, les séances sont très limitées et il est toujours aussi
difficile de rentrer dans le palais bien que les projections en salles Bazin et Bunuel
soient accessibles à tout le monde. Allez expliquer ça aux petits gars de la sécurité...
Il y a un truc à revoir dans l'organisation. Allez quoi Gilles (Jacob), fais quelque chose !
Pour commencer la journée en douceur à 8h00, nous pouvons nous faufiler jusqu'en salle Bazin
où est projeté un film Coréen.
"Hwal" (L'Arc) de Kim Ki-duk [Un Certain Regard, Bazin]
L'avis de Nono :
Un vieil homme vit sur un bateau ancré au large, en compagnie d'une jeune fille qu'il
a recueilli lorsqu'elle était bébé. Le vieil homme a toujours protégé la petite fille
du monde extérieur et de ses turpides pour qu'elle grandisse et devienne sa future femme.
Au contact des pêcheurs de passage, l'adolescente va découvrir qu'il existe un monde
au-delà de la mer. Evidemment, elle va montrer des vélliétés d'émancipation et se
confronter à son protecteur et futur époux.
Ce film Coréen est de facture classique. L'histoire est simple mais pas simpliste.
Les symboles sont omniprésents. Au point d'ailleurs que l'on passe de
temps à les chercher. C'est une sorte de "Où est Charlie" Coréen.
Et Kim Ki-duk de soulèver beaucoup de questions existentialistes
qui feront le bonheur des étudiants en cinéma. En conclusion,
L'Arc est un film Coréen bien réalisé mais très académique.
Toujours dans la même salle et dans la sélection Un Certain Regard, on remet les couverts à 10h30 avec Nordeste dans lequel Carole Bouquet nous tiens éveillé jusqu'à midi. L'accueil favorable du publique pour ce film de l'argentin Juan Solanas n'est pas usurpé.
"Nordeste" de Juan Solanas [Un Certain Regard, Bazin]
L'avis de Nono :
Carole Bouquet, une femme d'affaire Française, se rend
en Argentine pour adopter une enfant, le futur amour de sa vie. Dans ce film de
Juan Solanas, l'actrice est impeccable tout comme les
autres acteurs. La pauvreté de la province Argentine, faubourgs désertiques où
les gens luttent pour survivre, est à rapprocher d'un Carnet de Voyage.
Comme quoi en plus de 40 ans, pas grand
chose n'a bougé en Amérique du Sud. Les riches propriétaires sont toujours plus
riches, et peuvent assassiner en toute impunité. Et les pauvres sont toujours
plus pauvres, victimes des expropriations et du travail forcé.
Précédé d'un bon bouche à oreille, nous décidons de rempiler à 13h00 pour le Zim & Co de Pierre Jolivet. En ce début d'aprés-midi, nous n'avons toujours pas vu la lumière du soleil.
"Zim & Co (la Caisse)" de Pierre Jolivet [Un Certain Regard, Debussy]
L'avis de Nono :
Certain vous dirons que ce film est très loin de la réalité, que la gloriole black-blanc-beurre
entrevue le 12 juillet 1998 a vécu (hum, hum, c'était pas un bête match de foot ?), que la brutalité
et la violence de la banlieue n'a rien à voir avec ce Zim & Co de pacotille
puisque les protagonistes sont globalements gentils, que la bande de petits jeunes se réunis
dans un restaurant de kebab digne d'Hélène et les garçons et que tout
se termine bien. Les grincheux concluront donc que ce film est une merde infâme.
A mon humble avis, l'erreur est de croire que Pierre Jolivet a tenté
de recréer la réalité. Si vous voulez voir la dur réalité filmée des classes dites "inférieures",
prière de se reporter à La Haine, L627, à
n'importe quel film des frêres Dardenne ou au journal de 20 heures.
Ce Zim & Co est avant tout une jolie comédie sur l'histoire d'un garçon dynamique
et débrouillard qui croit en lui et en sa bonne étoile. Les dialogues sont vifs, les situations
sont bien emmenés. On ne s'ennuit pas et on rit parfois de bon coeur. La maladresse de certaines scènes,
particulièrement lorsque le scénariste veut contrebalancer la gaité ambiante en plaçant quelques
saillies racistes, peuvent gêner aux entournures, mais ne suffisent pas à couler le positivime du film.
Après le repas, nous remontons la croisette jusqu'au Noga Hilton.
Les badgés professionels se font rares, les journalistes aussi.
A quelques heures de la remise des prix, le petit monde du cinéma a plié bagage, direction
l'aéroport de Nice-Côte d'Azur. Au rayon des
rumeurs, A History of Violence et The Three Burials of
Melquiades Estrada se tirent la bourre pour la palme.
Sisters in Law, la séance de 17h00, est entouré d'un
épais brouillard. Est-ce un film ? Un documentaire ? Qui sont ces
fameuses "sisters" et pourquoi sont-elles "in law" ? Gérard Depardieu et Christian
Clavier jouent-t-ils les rôles principaux ? Nous verrons bien...
"Sisters in Law" de Kim Longinotto et Florence Ayisi [Quinzaine des réalisateurs, Noga Hilton]
L'avis de Nono :
Sisters in Law est un documentaire sur les cours de justice dans la zone anglophone
du Cameroun. Les juges et les procureurs sont des femmes intransigeante et déterminées.
Femmes battues et enfants battus : les réalisateurs axent leur étude sur les drames
humains du quotidien. Les juges se transforment alors en confidentes, en assistantes sociales
et n'hésitent pas à sortir les crocs face aux fautifs. Curieusement il n'est point
question de rebellion envers la justice (comme dans certains faits-divers de chez nous),
les accusés étant soit désorientés soit maladroits dans leur défense.
Un documentaire plaisant comme un zoom sur l'Afrique.
On reste au Noga Hilton pour la séance de 19h00. La montée des marches de la cérémonie de clôture a commencé à la télé. Pas moyens de voir la cérémonie de clôture et de faire la queue pour le film. A quand des écrans de télévision dans les files d'attente ? Nous devons nous résoudre à quitter le hall de l'hôtel pour descendre dans la salle. En attendant que le film commence, nous suivons la remise des prix grace au téléphone portable d'un sympathique voisin de fauteuil cinéphile. Merci le voisin et merci le wap ! La lumière s'éteint, La Moustache commence. Ailleurs dans Cannes, les frêres Dardenne fêtent leur palme d'or.
"La Moustache" de Emmanuel Carrère [Quinzaine des réalisateurs, Noga Hilton]
L'avis de Nono :
Ce film d'Emmanuel Carrère adapté d'un livre d'Emmanuel Carrère
est plutôt une bonne surprise. Un homme rase sa moustache, et rien ne se passe. Sa femme ne le remarque
pas, ses amis non plus. Ils en viennent même à soutenir qu'il n'en a jamais eu. Est-il fou ? Est-il
victime d'une hallucination ? D'un complot ? La réponse est ouverte, le suspense est total.
Se détachant des standards actuels où tout doit être expliqué, décortiqué et soumis au
jugement des spécialistes, Emmanuel Carrère prend le partis d'immerger
son personnage (Vincent Lindon plus hagard que jamais) dans
l'anonymat du monde moderne. Puisqu'il est question de la perte de l'identité, tous
les moyens sont bons pour enfoncer le clou jusqu'au paroxysme : un fuite... à Hong-Kong,
la fourmilière humaine par excellence.
Tout est bon pour entretenir le mystère. Sommes-nous dans le présent ? Dans le
passé ? Dans le future ? On se laisse embarquer dans le flou temporel et ses fausses
pistes non sans un certain plaisir.
Vendredi 20 Mai 2005
En route pour le Noga Hilton et la séance de 9h00, nous croisons Benicio Del Toro qui rentre se coucher. Pas le temps de sortir l'appareil photo qu'il a disparu. Tant pis.
"Who's Camus Anyway ?" de Mitsuo Yanagimachi [Quinzaine des réalisateurs, Noga Hilton]
L'avis de Nono :
Une bande d'étudiants en cinéma japonais tourne un film sur un fait diver sanglant : un jeune
lycéen Japonais d'apparence tranquille qui tua sans raison une paysanne dans une maison isolée.
Who's Camus Anyway ? est une comédie à suspense rythmée et plaisante qui
lorgne du coté des séries universitaires américaines. A contrario, le film dans le film est
un drame sordide et sanglant. La réalité et la fiction s'entrelacent
selon un schéma intelligent.
A ce propos, les vingt dernières minutes (le tournage du film des
étudiants) sont parfaites de maîtrise et d'angoisse. Une bonne surprise à voir.
Ensuite direction le palais des festivals pour la projection à 11h30 du Tommy Lee Jones qui est, paraît-il, fortement palmable. Le mutisme du réalisateur en conférence de presse est l'autre sujet de conversation.
"The Three Burials of Melquiades Estrada" de Tommy Lee Jones [CO, Louis Lumière]
L'avis de Nono :
Au Texas, l'immigration clandestine des Mexicains est le problème qui fâche. Entre ceux qui surveillent
bénévolement les frontières le fusil à la main, ceux qui dénoncent le trafic d'humain mais qui embauchent
cette main d'oeuvre illégale et bon marchée, et ceux qui défendent leurs frères hispaniques, le panel est large.
Tommy Lee Jones a manifestement un compte à régler avec ce conflit qui couve.
Il joue le rôle d'un brave fermier dont un des employé, mexicain d'origine, est assassiné par un
garde frontière très "beauf". Pétris de vengeance, il attrape le méchant garde frontière et lui fait porter le
corps de son ami jusqu'à son village, au Mexique, pour l'enterrer dignement.
Ce western road-movie (à la Prisonnière du désert) réserve quelques surprises,
et surtout la composition d'un Tommy Lee Jones plus taciturne
et déterminé que jamais. Son amitié avec le défunt mexicain repousse les limites du connu puisqu'il
entretient et parle au cadavre comme s'il était encore vivant. Quand au garde frontière (super acteur
dont j'ai oublié le nom), il porte sa croix tout au long du film, apprenant qu'on se forge des
sentiments dans la souffrance et la sueur. De là à voir une critique du système Hollywoodien, il n'y
a qu'un pas.
Profitant d'une petite heure de temps libre, nous nous promenons dans le marché du film. Le lieu est désert, de nombreux stands sont vides. Les exposants les plus efficaces ont bouclé leur marché en première semaine et sont rentrés chez eux. Il ne reste que quelques commerciaux encore actifs (les plus mauvais ?), comme par exemple le producteur de films Z TROMA et le producteur de Johanna (Tiens tiens ! Personne n'en veut ?). Curieux, Vincent Cassel (devenu producteur) est plutôt discret.
A 15h00 en salle Bunuel a lieu la projection des court-métrages en compétition officielle. La critique est plutôt dur, la sélection est jugée faible. Depuis quelques années, le marché du film a aménagé un espace réservé aux courts-métrages appelé le Short Film Corner (www.shortfilmcorner.com) ce qui prouve la vitalité du genre malgré le manque de diffuseurs.
Les Courts Métrages en Compétition Officielle [salle Bunuel]
L'avis de Nono :
Comme les années précédentes, la sélection des courts métrages en compétition officielle
pioche dans tous les styles pour être la plus représentative possible. Et comme les autres
années, mon palmarés perso est totalement opposé au palmarés officiel.
Kitchen ouvre la sélection. Un court estampillé FEMIS qui commence comme une
comédie - une jeune fille a peur de jeter deux homards dans une casserole d'eau
bouillante - et qui bascule rapidement dans le genre FEMIS. C'est à dire avec des longueurs
contemplatives symbolisant la réflexion de la réalisatrice (Alice
Winocour) sur tout un tas de sujets métaphysiques incompréhensibles pour le
commun des mortels. Un glissade en douceur vers l'ennui.
Ensuite Missing, un court américain démonstratif
et moyennement intéressant.
The Man Who Met Himself, une enquête d'un détective privé sur
un homme dont on ne connait pas l'identité. La narration en voix off et l'enchevêtrement
d'images donnent un résultat assez confus. Je n'ai pas saisi la subtilité.
Le film d'animation Clara sur le deuil donne dans le glauque.
L'animation est obtenue avec des poupées. Celle de Clara est entourée de mouches,
rongées par des vers. Beurk.
Voyageur filme en noir et blanc les patients des hôpitaux psychiatrique
Russe. Il décroche la palme d'or. Pas la mienne, celle du jury.
Bébé Requin, le deuxième court métrage Français en compétition (curieusement,
il n'est pas annoncé dans le programme officielle d'avant festival) est subdivisé en trois
histoires indépendantes. Ca parle de jeunes qui glandent devant la télé, de sexe sans complexe, de
violence gratuite et de skateboard. Le but est apparement de choquer le spectateur par des paroles et
des gestes crus, à la manière des radios d'ados. Rien n'y fait, le sommeil me gagne.
Nothing Special, un court métrage Néo-Zélandais plein d'humour,
met en scène une mère ultra possessive et un fils en quête de liberté. Pour elle, il est
le nouveau messie (rien que ça). Tandis que lui se cache pour échapper à cette génitrice
bruyante et envahissante. Personnellement, je lui aurais décerné ma palme d'or. Apparement,
Edward Yang et ses potes du jury préfèrent films chiants tournés à
l'arrache dans les asiles russes.
Puis vient ensuite Before Dawn, un court qui a dû coûter une montagne de fric.
Au programme : un long plan séquence en 35 mm dans un champ de blé, des tas de figurants, des camions de
l'armée et un hélicoptère. Techniquement, c'est très beau. Scénaristiquement, c'est dépouillé
mais pas vain. Il aurait pû prétendre à mieux.
Pour finir la sélection, un court Hollandais Schijn Van de Maan (Le
gamin et la lune) raconte, dans un univers style Caro et Jeunet,
l'histoire d'une mère qui explique que son père, assassiné par la milice, est parti
en vacances sur la lune.
On traverse la palais pour se rendre en salle Bazin à la remise du prix de la jeunesse à 18h00.
Le prix revient à Cidade Baixa (Ville Basse) de Sergio Machado. Le réalisateur Brésilien monte sur scéne pour prendre sa récompense, accompagné par le producteur/distributeur pour la zone France. Le président jury cite Lacan. Le parrain du jury, Thierry Frémont, est épaté par le niveau du jury (forcément, des moins de 25 ans qui citent Lacan comme ils respirent..). Tout le monde est content, nous aussi.
"Cidade Baixa" de [Un Certain Regard, salle Bazin, Prix de la jeunesse]
L'avis de Anne :
Corps moites et mouvants qui s'emboîtent et se frappent sur des rythmes latinos à bord de bateaux
en bois. Deux potes, un blanc, un black, craquent sur la même blondinette de passage. Elle ? Son
coeur balance entre les deux beaux gosses. Eux ? Ils se battent comme des coqs pour les beaux
yeux de la donzelle. Passion sensuelle et haine fraternelle dans les quartiers populaires du Brésil.
Un Jules et Jim des années 2000 filmé à même la peau des acteurs dont la
modernité réside peut-être plus dans la forme (énergie des images, bande-son, montage vis,...)
que dans le fond (vous voulez vraiment des titres de films où deux types tombent amoureux
de la même fille ?).
"Cidade Baixa" de [Un Certain Regard, salle Bazin, Prix de la jeunesse]
L'avis de Nono :
Le jury de la jeunesse a élu (ouh les petits cochons !) un film chaud bouillant venu du Brésil.
L'histoire de ce trio amoureux dans la moiteur étouffante de Salvador a le goût du sang, de la sueur et
tout ce qui va avec. Un coup ça baise, un coup ça se bat. Deux garçons s'arrachent le coeur d'une
belle qui travaille dans un bordel de la ville, au risque de rompre leur bel amitié. Ils se brisent
le coeur, se réconcilient, se disputent, et s'aiment jusqu'au dénouement final.
22h00. La salle du Noga est pleine pour un film d'horreur sélectionné dans la Quinzaine des réalisateurs. Il parait que ça n'était pas arrivé depuis Massacre à la Tronçonneuse en 1974. Ce Wolf Creek est précédé d'un bouche à oreille sulfureux, l'amateur de frisson en ayant pour son argent. Réponse 1h30 plus tard.
"Wolf Creek" de Greg McLean [Quinzaine des realisateurs, Noga Hilton]
L'avis de Nono :
Imaginez un film dont avec un budget d'un million de dollars US, un tournage dans le
désert Australien, des jeunes acteurs qui ne surjouent pas, une caméra immergée dans l'action,
une tension qui s'installe au fur et à mesure, et quelques plans chocs bien gores. Le résultat
est aux antipodes de Mad Max, autre figure du cinéma de genre Australien,
bien que ce Wolf Creek partage nombre de points communs avec le
célèbre trashroad-movie.
Deux filles et un garcon dans la même galère. Les vacances se terminent pour eux, et il faut
bien rentrer à la maison. Leur solution : acheter une voiture et traverser l'Australie
"coast to coast" à la découverte de leur pays natal. Malheureusement le bush de ce
sous-continent n'est pas peuplé que de gentils kangourous. Ils vont rapidement
l'apprendre à leurs dépends.
Après quelques fausses pistes mélant surnaturel et paranormal, l'histoire se recadre
rapidement sur l'attaque d'un ignoble serial-killer complètement givré.
Car ce synopsis rudimentaire est au service d'une "survival" efficace dans lequel les personnages
se battent pour ne pas rentrer chez eux en petits morceaux. La tension monte
progressivement, emmené par de très bon comédiens. La performance
du "bad guy", avec sa bonne bouille et sa gouaille red-neck, ravira
les amateurs de tueurs sadiques et décalés.
Les filles poussent des cris, hurlent leur douleur sous les coups de... Non, je vous
laisse la surprise. Quelques scènes bien gore réveillent le festivalier endormi.
Après ce petit frisson nocturne, on regarde derrière soi dans la rue en rentrant à l'hôtel.
Sur cette dernière bobine, direction les draps accueillants du lit, non sans avoir écoeuré à vie la petite soeur de traverser le désert Australien.
Jeudi 19 Mai 2005
A 8h30, nous nous séparons en deux groupes : certains vont voir le Wim Wenders, annoncé comme un prétendant à la Palme d'Or. Pour d'autres ce sera Geminis, un long métrage Portugais sur fond d'inceste.
"Don't Come Kocking" de Wim Wenders [CO, Louis Lumière]
L'avis de Nono :
Adorateurs du culte de la charentaise et du téléfilm à la française, ce nouvel opus
de Wim Wenders est fait pour vous. Les épyleptiques
ne risquent rien. Les deux premiers tiers du film sont filmés comme un téléfilm France 3.
Dès l'introduction Wim Wenders nous refait manifestement Paris-Texas à
coups de plans larges sur les plaines de l'ouest-américain. Ca sent immédiatement le réchauffé.
Puis vient l'histoire proprement dite et son enjeux principal dont on se fout rapidement. Quelques fausses
pistes retiennent l'attention, mais le réalisateur les désamorce aussitôt qu'elles apparaissent.
En bref, cette recherche de paternité ressemble à une enquête de l'inspecteur Derrick. Sam Shepard
joue au ralentit (il a inventé "l'effet Matrix" permanent !), Tim Roth cabotine comme
dans un Tarantino... Vos yeux deviennent lourd... Vous dormez. Heureusement le dernier tier relève le
niveau, coincidant avec l'apparition des rôles féminins et surtout par une Jessica Lange
bien dans ses baskets.
Wim Wenders est manifestement plus à l'aise avec les papys Cubains
de Buena Vista Social Club qu'avec les cow-boys has been.
"Geminis" de Albertina Carri [Quinzaine des réalisateurs, Debussy]
L'avis de Anne :
Une famille argentine "banale" (un père plutôt absent et distant, une mère avec un avis
sur tout et deux ados boudeurs et taciturnes) dans un pavillon banal, voilà le décor
planté pour ce film sur un sujet dérangeant puisqu'il traite de l'inceste. En effet,
les deux ados qui s'évitent avec gène dans les couloirs vient en fait une passion secrète.
Ce que les parents ne voient pas est mis à jour par le frère aîné revenu au pays
pour son mariage et qui croit régler le problème par les coups. Les premières
secousses avant l'explosion maternelle finale. Ouf ! Le film garde un équilibre
entre pudeur et dégoût sans jamais tomber dans le voyeurisme et le nauséabond.
11h30, direction le cinéma les Arcades et ses sièges confortables (plus que Debussy..) pour un film Portugais intitulé Alice. Malgré la difficulté du sujet, le réalisateur s'en sort très bien, livrant un film techniquement haut dessus du lot.
"Alice" de Marco Martins [Quinzaine des réalisateurs, Les Arcades]
L'avis de Anne :
Alice, 4 ans, a disparu. Si sa mère ne fait pas face et se bourre de médicaments, son père, lui, fait face. Fait face à quoi ? A un mur d'images. Des milliers d'images collectées grace à des petites caméras placées chez amis ou des commerçants compréhensifs. Des caméras qui servent à filmer les rues de la ville en partant du principe que la fillette finira bien par repasser par là un jour ou l'autre. Ce système rythme entièrement sa vie. Mais face aux images le père se perd aussi. Il se racroche avec désespoir à l'image de sa fille telle qu'elle était quand elle a disparu quelques mois plus tôt avec son manteau rouge. Il ne veut voir que celle de sa fille et rien d'autre, quitte à passer à coté de l'essentiel. Un premier film complexe et bouleversant sur l'absence et le manque, un manque que ce père déboussolé va compenser par une addiction aux images et devenir le voyeur d'un monde qu'il ne voit plus. Des images à dominantes bleue et noire pour rappeler peut-être les reflets qu'on perçoit quand un écran est allumé à moins que ce ne soit pour évoquer la noyade dans un flot d'images.
Entre 13h00 et 14h00, nous déambullons dans l'espace Cannes Cinéphiles. Petit tour au stand de l'Union des Guildes de Scénaristes (UGS). A l'initiative d'un groupement de scénaristes "amateurs" (c'est à dire qu'ils ne vivent pas de leurs écrits), un recueil de scénarios non-produits intitulé 101 scénaristes en herbe est distribué gratuitement. Le nombre de scénario est conséquent, les auteurs sont de toutes les origines (France, Belgique, Canada, Etats-Unis), la présentation est agréable. La qualité du contenu est inégale. Espérons que cette initiative favorise l'émergence de jeunes talents.
Direction le Miramar par la croisette. A la sortie d'un palace, Thomas Langmann, le producteur (Iznogoud, Les Daltons,...), téléphone portable collé à l'oreille, saute sur son scooter. Il démarre et file vers de nouveaux horizons. C'était la minute paparazzi.
14h30 au Miramar, Georges Bollon, le représentant du Festival
de courts-métrages de Clermont-Ferrand (www.clermont-filmfest.com) ouvre
la séance des courts métrages de la Semaine de la Critique. Il nous explique que tout va bien
dans petit monde du festival de cinéma et que les organisateurs s'entraident.
Voici par exemple un dialogue entre les directeurs artistiques de deux festivals de cinéma :
"Le français : Tu veux un super film pour la Mostra de Venise ?
L'italien : Maaaa si, bien sour Thierry ! Tou as ouné pisté ?
Le français : Sélectionne le dernier Lelouche : il y a un dialogue entre Karl Lagarfélde et Claire Chazal
sur la cuisson des endives tout à fait savoureux.
L'italien : Maaa Thierry, tou es ouné rigolo. Y é pas qué ça à foutré. Y é oune vrai sélezionne à faire."
Passé cet intermède, la lumière s'éteint et l'écran s'éclaire.
Courts métrages [Semaine de la Critique, Miramar]
L'avis de Nono :
Avant de sortir de la salle pour cause d'incompatibilité d'emploi du temps, nous
avons le temps de voir deux courts métrages.
Le premier, Tête de Choux, est un court d'animation avec des marionnette.
La course poursuite des paysans pour attraper le plus gros choux fleur de la région est
dans l'esprit des productions du Studio Aardman (responsable de la série des Wallace & Groomit).
Malheureusement ce court n'a pas l'humour au second degré et la profondeur de ses illustres ainés. L'intêret
s'en ressent.
Le second est On the Train, un petit court Franco-Hongrois malin
et drôle, tourné avec deux acteurs, une caméra DV, dans le compartiment d'un train. Une bonne chute finale
et le tour est joué. La preuve qu'il est possible de faire des films amusants sans grands moyens.
A 16h30, nous partons dans l'inconnu pour deux moyens métrages Australiens. Personne ne sait de quoi ça parle.
"Yellow Fella" de Ivan Sen/"Jewboy" de Tony Krawitz [Quinzaine des réalisateurs, Noga Hilton]
L'avis de Nono :
Deux moyen-métrages Australien composent ce programme. Tout d'abord Yellow Fella,
où un métisse aborigène recherche la tombe de son père, un colon Gallois venu s'installer comme fermier
dans le bush. Ce road-movie filmé avec tacte et tendresse ne laisse pas indifférent.
Ensuite Jewboy, un moyen métrage sur l'intégration d'un jeune juif Australien,
tiraillé entre la tradition religieuse venu de la vieille Europe et la tentation de l'indépendance et
de l'émancipation. L'interprétation de l'acteur principal, Ewen Leslie, est
tout à fait convaincante. D'autant plus que, selon le dossier de presse, il n'a jamais connu la
religion juive.
A 18h00, nous rentrons nous changer à l'hôtel. C'est la préparation fébrile (et sans
énervement !) pour la montée des marches. Ensuite, nous dînons au restaurant avant de
traverser Cannes à pieds en tenu d'apparat.
22h00, début de la montée des marches pour Free Zone de
Amos Gitaï. Les flashs crépitent ! Enfin, surtout pour
les filles...
"Free Zone" de Amos Gitaï [CO, Louis Lumière]
L'avis de Nono :
Ouverture : un long plan-séquence d'un dizaine de minutes sur Nathalie Portman en pleure.
On se doute que Amos Gitaï aime la lenteur et la contemplation. Inversement, il aime
aussi faire parler ses personnages. Et il est facile (trop ?) de parler du conflit
Israélo-Palestien. Depuis les prémices de cette guerre qui n'en a pas le nom,
les débats sans fins se succèdent et s'entrecroisent. Pas la peine d'aller au cinéma,
il suffit d'allumer sa télévision ou d'écouter les discussion de comptoir au bar
du coin.
Etait-il utile de faire ce film ? Non pas que les acteurs jouent mal ou que
la réalisation soit mauvaise. C'est juste le thème qui est usé, et que la manière
de l'aborder qui n'a rien de rafraichissante. Point d'inventivité, le cinéaste
applique sa recette à lettre, sans sortir du chemin miné. Moralité : pour arrêter
la guerre, faisons la paix. Rien de nouveau sous le soleil du proche orient.
Juste un Nième film sur le sujet.
Descente des marches et retour à l'hôtel avec des étoiles plein les yeux.
Mercredi 18 Mai 2005
Fin de matinée, c'est le grand retour à Cannes après une semaine d'impatience. Une petite virée sur la croisette pour prendre la température de la scène mondiale. Le marathon du commence enfin...
Première séance à 14h30 avec Peindre ou Faire l'Amour des frêres Larrieu. C'est un petit bonheur que de se retrouver, pour la première projection, dans l'immense salle Louis Lumière. Pour une première projection, le thème du film est frivole. Une bonne entrée en matière.
"Peindre ou Faire l'Amour" de Arnaud et Jean-Marie Larrieu [CO, Louis Lumière]
L'avis de Nono :
Daniel Auteuil, Sabine Azéma, Amira Casar
et Sergi Lopez s'éclatent dans cette gentille comédie bobo
faisant l'apologie de l'édonisme et de l'échangisme. A postériori, ce n'est pas un film comme les
autres, puisque de tendance optimiste et joyeux, dans une compétition qui broie du noir depuis pas
mal de temps.
Le couple de pré-retraité formé par Daniel Auteuil et Sabine Azéma
va découvrir les joies du libertinage au contact d'un Sergi Lopez qui n'a pas
décroché de son rôle inquiétant et fascinant de Harry, un ami qui vous veut du bien.
Ici, point de révolution autre que sentimentale et sexuelle. Révolution que l'on peut comparer au début
d'une nouvelle vie, au second souffle d'un couple en bout de course.
Les frêres Larrieu, à l'origine cinéastes animaliers, contemplent le massif du
Vercors et sa nature verdoyante au petit matin, montrant l'éveil de la nature. Eveil que vont connaitre
également ses personnages. En effet, ce couple découvre innocement, sincèrement (naïvement ?) l'amour
avec les inconnu(e)s de passage, ce qui conduit à leur épanouissement intérieur. Il n'y a qu'à voir
l'expression de plénitude sur le magnifique visage de Sabine Azéma pour comprendre
que le message des réalisateurs a porté.
Revers de la médaille, cette naïveté permanente transpire le boboïsme avec une foule de petits détails
qui, si l'on a quelque chose contre, devient rapidement exaspérant (le copain Brésilien branché, les verres
de vin le soir devant la cheminée, les lunettes carrées, etc...).
En sortant de la séance, nous apercevons Gérard Darmon dans une voiture officielle, en route pour son hôtel. Nous partons pour le Noga Hilton et la projection du film Géorgien Tbilissi, Tbilissi à 17h00. Levan Zakareishvili, le réalisateur, est visiblement très ému de présenter son film. Il évoque rapidement les années de galère qu'il a vécu pour monter son projet, l'état actuel de son pays et le désespoir ambiant. L'émotion est trop forte. Il écourte son discours et nous laisse le soin de juger par l'image.
"Tbilissi, Tbilissi" de Levan Zakareishvili [Quinzaine des réalisateurs, Noga Hilton]
L'avis de Nono :
A Tbilissi, capitale de la Géorgie, un apprenti réalisateur écrit un scénario sur le
monde qui l'entoure, la pauvreté et la violence de cette ville en déliquescence.
Ce film est construit autour de trois histoires tournées en N&B, une construction qui
s'explique en grande partie par la difficulté du tournage à produire son film : le
tournage a duré quatre ans.
Malheureusement il n'y a aucune lueur d'espoir dans la vie quotidienne des Géorgiens telle
qu'elle est racontée par Zakareishvili. La survie passe avant toutes
choses, aucun rêve n'est permis hormis celui de manger à sa faim. Quelque peut déprimant,
ce film réserve pourtant quelques bons moments, de faibles lueurs dans la nuit.
Nous échangeons nos impressions de la journée autour d'un repas, puis départ pour la salle Debussy.
Sur le chemin, des curieux demandent des autographes à Bernard Menez, l'immense
acteur Français venu au festival en famille.
La projection 22h00 en salle Debussy est celle du long métrage Hongrois Johanna.
Ce film est annoncé comme une interprétation contemporaine, filmique et
musicale de la vie de Jeanne d'Arc. On va voir ce qu'on va voir.
"Johanna" de Kornel Mundruczo [Un Certain Regard, Debussy]
L'avis de Nono :
Présenté comme une comédie musicale lyrique, ce film, tourné dans les sous-sols
d'un hôpital lugubre, est la preuve du dynamisme et de l'audace d'une compétition
"parallèle" comme un celle d'Un Certain Regard. L'uniformité des films
en compétition officielle vole en éclat face à ce Johanna qui ne
laisse pas indifférent, que l'on aime où que l'on n'aime pas. Ceux qui le verront
seront peut nombreux, et l'on peut parier qu'il ne sera jamais diffusé
dans une salle obscure en France. A moins que Arte
le diffuse un soir à 23h00...
Pour résumer rapidement : une femme échappe à la mort suite à un accident
de voiture. Sauvée par l'insistance (et l'amour) d'un médecin, elle devient infirmière dans
l'hôpital qui l'a vu renaitre. Hors elle se dérobe aux avances du praticien pour
offrir son corps aux patients qu'elle soigne de la sorte. Les médecins de l'hôpital
deviennent rapidement jaloux et décident de régler son compte à cette jeune ingrate
qu'ils affublent de l'étiquette de sorcière. L'histoire se termine évidemment dans le
sang et la mort de l'héroine. Zut, j'ai dévoilé la fin ! Mais qui m'en blâmera ? (le
téléspectateur d'Arte ?).
Tourné dans des sous-sols ultra glauques, le cadre est sale et oppressant.
Une impression qui est amplifié par l'esthétique à base de couleurs noire et verte.
Les acteurs déclament leur texte en Hongrois à la manière d'un opéra. Imaginez
Jacques Demi écrivant une drame pour Pavarotti,
et vous aurez un aperçu des dégâts. Certaines scènes sont tout à fait réussies, comme celle
où la jeune héroine dévale l'escalier, poursuivie par la foule en colère. Derrière chaque jeux de lumière et
chaque mouvement de caméras, on devine la recherche d'un certaine perfection du réalisateur.
Perfection qui reste malheureusement assez hermétique au profane, surtout qui (je ne donnerais pas de
noms) a dormi une partie de la projection. Ce film restera l'OVNI cinématographique du festival,
et un bon sujet de rigolade.
Mercredi 11 Mai 2005 : ouverture du Festival
Arrivé à 19h00 en gare de Cannes. L'agitation fébrile de la ville frappe des les premiers hectomètres de trottoir. Des hommes pressés, badges autour du cou et téléphones portables à l'oreille, bousculent les touristes venus en curieux. Le décor est planté. Face au palais des festivals, tandis que les invités en costard et robe de soirée rivalisent d'élégance, un groupe d'alter-mondialiste manifeste bruyamment son opposition à cette orgie d'argent et de luxe. Leur message ne recevra aucun écho dans la foule de badauds.
19h30, la montée des marches bat son plein. Un type me demande en montrant le tapis rouge : "C'est là que sont les stars de la télé ?". Ben oui mon gars, c'est là ! Les équipes de télévision du monde entier mettent en boîte les premières interviews. Des inconnu(e)s paradent en smoking et robe de soirée. Le festival a bel et bien commencé.
Les stars se succèdent. Tenu à bonne distance par un labyrinthe de barrières, nous ne pouvons rien voir ou presque. Heureusement qu'il y a l'écran géant.
L'équipe du film Lemming (film d'ouverture en compétition officielle), emmenée par Dominik Moll, Charlottes Rampling et Laurent Lucas, monte les marches. Peu après, la furia des photographes explose lorsque Emir Kusturica et les membres jury se présentent au bas du tapis rouge.
La cérémonie d'ouverture se déroule dans le palais des festivals, devant des millions de téléspectateurs, mais rien ne transparaît à l'extérieur. Petit crochet sur la Croisette et le plateau de Canal+. Cécile de France, la maîtresse de cérémonie, est l'invitée de Michèle Denisot.
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Restaurant, puis Dodo. Cette ouverture du festival était juste une mise en bouche. "Notre" vrai festival commencera en deuxième semaine. Rendez-vous le 18 mai !